En tant que Vice-Président du MEF du Loiret, je relaie cet appel du MEF-France afin que chacun soit en mesure de voter le 25 mai prochain, pour élire les 74 députés français, en toute connaissance de cause.
"Le
projet européen n'a jamais été aussi développé. Dans la crise, cèdent
une à une les préventions des Etats envers une mutualisation de la
puissance et naissent une Union bancaire, un système d'assistance entre
Etats, un cadre nouveau de disciplines communes partagées.
Dans le même temps le désamour palpable des citoyens pour l'Europe est à son zénith et tient à deux motifs principaux :
-
d’une part, ils ne se sentent pas représentés dans les prises de
décision européennes où ils ne perçoivent nul fonctionnement
démocratique,
- d’autre part, le bilan de la gestion européenne de la crise financière et économique leur paraît extrêmement négatif,
l'accumulation d'erreurs de politique économique ayant eu des
conséquences sociales très graves, la précarité et la grande pauvreté
ayant gagné une part considérable de la population, à commencer par la
jeunesse.
L'Europe peut et doit retrouver un chemin partagé par les citoyens. Tel est l’enjeu des prochaines élections européennes.
- Vers une Europe démocratique
Le
divorce entre un nombre croissant de citoyens et les institutions de
l'Union est patent. A l'éloignement s'ajoutent les figures alternatives
de la technocratie irresponsable et une perception – souvent erronée –
que les institutions européennes et nos partenaires, au premier chef
l’Europe du Nord, cherchent à imposer une voie libérale porteuse de
chômage et de destruction de nos productions industrielles et agricoles.
Restaurer un cadre d'autorité et de légitimité n'est envisageable qu’en
retrouvant un consensus des Européens sur la représentativité du
système communautaire. Cette acceptation ne peut venir que d'une
démocratisation visible du processus politique selon le triptyque
institutionnel fondateur : la Commission propose, le Conseil décide et
impulse, le Parlement débat, amende et vote.
En
ce sens le délitement de la Commission au profit du Conseil
fonctionnant sur une base de plus en plus intergouvernementale est un
échec. Produisant des compromis obscurs, insuffisants et rationalisés a posteriori, ce
processus ne permet pas d'identifier un acteur qui soit responsable de
la décision prise et qui l’explique aux opinions publiques en respectant
leurs différences. Il importe donc de défendre encore et
toujours la conception d’une Commission resserrée en écartant la règle
funeste d’un Commissaire par Etat-membre.
Le
rééquilibrage du système politique au profit du Parlement européen,
seul acteur à être visiblement issu du suffrage universel, les
représentants des Etats membres ne l’étant qu’indirectement, est aussi
un enjeu crucial. Cette évolution ne tient plus au renforcement
graduel de ses pouvoirs au fil du temps au travers de la codécision,
mais nécessite un saut institutionnel : la Commission qui est la garante
de l’intérêt général européen en lien avec le peuple doit être issue du
Parlement et non plus du Conseil européen.
Initié
par la plupart des partis politiques européens, ce processus pose au
cœur des élections européennes la question de la Commission et du choix
de la politique qu'elle doit mener.
En
raison même de son fonctionnement collégial, la Commission devrait être
l’émanation directe de la coalition majoritaire au Parlement telle
qu'issue des élections européennes, car elle aura à mettre en œuvre le
projet que cette coalition va porter pendant cinq ans. Jusqu’à
présent l’orientation politique de la Commission est restée largement
indépendante du résultat des élections. Il est donc nécessaire qu’une
négociation intervienne entre le président de la Commission et la
majorité parlementaire d’un côté, et les États membres de l’autre pour
parvenir à des nominations qui aboutissent à une Commission légitimée
par le projet politique choisi par les électeurs, dût-il prendre la
forme d'un accord de coalition selon le modèle dominant des démocraties
européennes. En outre, la Commission doit être responsable devant le
Parlement européen et le Conseil.
- Vers une Europe responsable
La
crise a révélé l'impéritie de certains Etats membres derrière le
bouclier de l'Euro. Contraints à la solidarité, les acteurs européens et
le FMI ont imposé des politiques de retour à l'équilibre budgétaire
dans des délais restreints et des réformes structurelles, sans prise en
considération du dialogue social.
Nécessaires
à moyen terme, la force, la vitesse et l'ampleur des ajustements
imposés à court terme ont parfois produit des résultats financiers
significatifs. Mais ils ont été souvent constitutifs d’erreurs
politiques majeures par absence de politiques de relance, comme le FMI
lui-même a fini par le reconnaître. L'Europe, partant souvent d'une
situation plus saine que le reste du monde pour affronter la crise, a
manqué le rebond économique de 2010 et est devenue l'homme malade du
monde développé. Certains Etats soumis à ces politiques ont subi une
perte de richesse extrême et non nécessaire, avec des conséquences
sociales dramatiques dans lesquelles les populismes de toutes obédiences
trouvent le terreau de leur influence destructrice.
Le
cadre de responsabilité commun issu de cette crise doit en tirer les
leçons, privilégier des trajectoires d'ajustement sur des durées plus
réalistes et mieux soutenir les pays en difficulté pendant ces phases de
transition.
- Vers une Europe solidaire
Le
modèle social européen est en partage des Etats membres comme son
modèle culturel. Il est de la responsabilité de l'Europe de contribuer à
le défendre et à le promouvoir parallèlement à la mise en place d'un
marché unifié.
Ceci implique des politiques qui limitent la tentation et l'intérêt du dumping entre Etats au plan social comme au plan fiscal.
Au
plan social, la création d'un salaire minimum européen, défini en
fonction du niveau de vie dans chaque pays, serait un pas important dans
la lutte commune contre les inégalités. Le fonctionnement de la zone
Euro a démontré également la nécessite d'amortisseurs automatiques tels
qu'une assurance chômage commune et des fonds structurels plus largement
dotés, au besoin alimentés par l’émission d’obligations européennes.
Au
plan fiscal, l’harmonisation des assiettes et des taux d’imposition au
sein de l’Union passe par la mise en place d’un serpent fiscal, première
étape vers l’Union fiscale, comme le serpent monétaire a été
l’antichambre de l’euro. La limitation de la concurrence fiscale
déloyale entre pays passe aussi par la création d’un impôt européen qui
pourrait être constitué de la taxe sur les transactions financières, de
l’impôt sur les sociétés et d’un pourcentage de TVA. Les ressources
ainsi collectées permettraient de financer les politiques communes, au
premier chef la politique agricole, la politique de recherche et
développement et la politique de cohésion au travers des fonds
structurels, de manière moins malthusienne que le système actuel des
ressources propres. Enfin, la lutte contre les paradis fiscaux passe par
des transferts automatiques de données bancaires et fiscales au sein de
l’Union, l’interdiction de structures financières opaques et le
contrôle renforcé des prix de transfert.
L'Europe, c'est la paix.
La
paix entre Européens, mais également la paix avec le monde extérieur.
La crise Ukrainienne doit être l'occasion d'une prise de conscience que
nous ne vivons pas dans un monde apaisé, ou dont les conflits auraient
disparu ou seraient lointains. Le Kosovo, la Crimée et les tentations
séparatistes de la population russophone de l’Est de l’Ukraine posent
le problème de l’équilibre entre le principe de l’intangibilité des
frontières et le respect de l’autodétermination des peuples.
La sécurité collective des Européens relève de la responsabilité de l'Europe.
Elle ne peut tenir aux Etats nationaux, trop faibles individuellement
et trop divisés devant l'obstacle. Elle ne peut tenir à l'ami Américain,
dont la bienveillance et l'attention peuvent faire défaut. Seule
l’union des 500 millions d’Européens peut leur permettre de saisir les
opportunités de la mondialisation et de peser dans les affaires du monde
et sur leur propre destin.
La
question de l'Europe de la défense, sans cesse repoussée, et d'une
diplomatie commune, sans cesse contestée, ne peut plus être éludée. Il
appartient à l’Europe d’analyser ses dépendances stratégiques et de
bâtir une communauté européenne de l'énergie et du développement durable
et une communauté économique numérique respectueuse des libertés
publiques, des droits de propriété intellectuelle et où la valeur
ajoutée est imposée dans le pays de consommation.
Sur
la plupart de ces sujets, il n'existe en réalité pas de différence
majeure entre les Etats qui partagent l'Euro et les autres. La zone euro
n'est pas un espace étanche en Europe. Mais ceux qui y participent
voient les questions communes se poser avec plus d'acuité, qu’il
s’agisse des décisions de politique économique, de la coordination des
budgets nationaux ou des mécanismes de solidarité. Les débats y naissent
d'abord, ils sont poussés plus loin. Ensemble, les membres de la zone
euro défrichent le chemin commun. Prenons bien garde cependant à ce que
tous l'empruntent ensuite."
Texte
de Patrick LEFAS, Vice-Président du Mouvement Européen-France en charge
des Affaires publiques, pour le Mouvement Européen-France