lundi 23 mai 2016

ETABLIR UN RECIT COMMUN DE L'EUROPE. LA DERNIER PIERRE DE L'EDIFICE

Sous l’égide de la présidence de la Commission Européenne et en partenariat avec la Maison de l’Europe, la Fédération des Universités catholiques en Europe, la Chaire de recherche en études parlementaires de l’Université du Luxembourg, l’Institut d’études européennes de l’Université catholique de Louvain, the European Cultural Foundation, le Comité de l’Europe pour les Etudes et Informations Parlementaire, le Collège des Bernardins organise les 20-21 mai 2016 un colloque dont l'objectif consiste à proposer un nouveau récit pour l’Europe qui soit centré sur l’histoire de la conscience européenne, qui puisse croiser les regards d’historiens appartenant à différentes traditions nationales, politiques et historiographiques, et qui soit largement accessible et commenté par les Européens. 

http://www.collegedesbernardins.fr/fr/evenements-culture/colloques/un-nouveau-recit-pour-l-europe-histoire-europeenne-de-l-europe.html 

1. Un projet ambitieux, voué à l'échec. 

1.1. Ambitieux.

Comment rédiger nouveau récit pour l'Europe ?

Dans la passé, la France et l'Allemagne ont travaillé à un manuel d'histoire franco-allemand. 


À l’occasion de la tenue du Parlement des jeunes, les 500 lycéens français et allemands réunis par l’OFAJ à Berlin le 21 janvier 2003 dans le cadre de la commémoration du 40ème anniversaire du traité de l’Élysée avaient proposé la création d’un « manuel d’histoire ayant les mêmes contenus pour les deux pays afin de réduire les préjugés causés par la méconnaissance mutuelle ».

Des professeurs d’histoire des deux pays ont travaillé ensemble pour proposer une « histoire croisée ».
-  Le 1er volume, portant sur l’après 1945 et destiné aux classes terminales, a été publié à l’été 2006.
-  Le 2ème volume, destiné aux classes de 1ère et portant sur la période 1815-1945, a été publié au printemps 2008.
-  Le 3ème volume, destiné aux classes de 2nde, portant sur la période allant de l’Antiquité au début du 19ème siècle, est paru le 23 juin 2011 dans sa version française.

Consulter le manuel : http://www.nathan.fr/feuilletage/?isbn=9782091820316 

Ce manuel n'a pas rencontré le succès commercial espéré comme l'explique l'auteur de cet article du Monde, le dernier tome n'étant tiré qu'à 7000 exemplaires. Mais, la principale critique c'est le caractère superficiel et politique de l'ouvrage qui gomme les aspects les plus saillants des épisodes historiques pour en retenir ce qui fait l'objet d'un vaste consensus. 

http://www.lemonde.fr/europe/article/2011/05/23/malheureux-manuel-franco-allemand_1526162_3214.html

Comment écrire un récit de l'Europe à 28 pays ?  Déjà, lors de ce colloque les historiens sont issus de 17 pays seulement. Le risque est de s'en tenir à des généralités civilisationnelles ou prendre comme commun l'américanisation des modes de vie etc. 

Comment s'entendre sur ce nouveau récit quand les 28 ne sont pas d'accord entre eux pour partager un effort de défense, mettre une place une politique migratoire cohérente ou encore  définir un salaire minimum commun ou une retraite européenne facile à établir et que seulement 19 d'entre eux ont l'Euro en commun ? 

On touche à l'essence de la construction européenne : le partage de souveraineté. Quel degré et nature de compétences sont transférées au niveau de l'UE et quelles sont celles qui font l'objet d'une coopération bi ou multinationale à l'ancienne, ce dont rêve les souverainiste ?

L'Union européenne est d'abord une construction politique qui a bénéficié de pères fondateurs hors-normes, mais qui en ce début de 21ème siècle est dirigée par des hommes politiques nationaux qui n'ont pas vraiment la fibre européenne.  

2. Voué à l'échec. 

Naturellement, il résultera de ces travaux la publication d'un ouvrage qui reprendra ces contributions d'historiens, philosophes, religieux etc qui pourra constituer un état des lieux ou un embryon de base de travail. 

Ce que demande les Européens ce n'est pas un nouveau récit sur l'Europe, car c'est construire le toit avant les fondations. Ce que réclament les plus de 500 millions d'habitants de l'UE, c'est une Europe qui fonctionne, crée des emplois, éradique le chômage de masse et lutte efficacement contre la pauvreté et la misère pour certains. Elle demande des actes suivis des résultats tangibles pour chacun dans sa vie quotidienne, loin du nième discours sur cet objet politique non identifié qu'est la construction européenne. 

Mais, la Commission européenne, dans sa logique fédérale rêve d'unifier le territoire des 28 par le biais des politiques communes, d'une harmonisation des politiques dans les domaines régaliens (police, justice, monnaie et affaires étrangères) et dernière étape une travail sur l'identité européenne dans l'histoire. Mais, en réalité, l'Europe est par nature cosmopolite, malgré ces périodes de repli identitaire des Etats qui pratiquent la fermeture des frontières si elle veut être fidèle à son message universaliste des droits de l'Homme. 

En un mot comme en cent, lorsque l'UE aura su se faire aimer et sera devenue populaire, au delà d'un vague sentiment européen vécu comme une nécessité face aux empires contemporains (Etats-Unis, Inde, Chine, Russie), alors ce jour-là, "l'affectio societatis" pour l'UE permettra de mettre au point un récit sur l'Europe qui convienne à chacun car chacun se retrouvera dans l'UE qui apportera plus de satisfactions que de désagréments.